La micro-méthanisation offre une valorisation efficace des effluents d’élevage, en totale autonomie, avec très peu ou sans apports de cultures, tout en nécessitant des investissements modérés. Cet article explore cette technologie en répondant à quatre questions essentielles et en partageant deux témoignages d’utilisateurs. Nous abordons ce qu’est la micro-méthanisation, son public cible, la rentabilité attendue, et la durée de vie de l’investissement.
La micro-méthanisation permet de produire du biogaz à petite échelle au sein des exploitations agricoles. Les unités de production, d’une puissance inférieure à 80 kW, permettent aux éleveurs de transformer leurs effluents d’élevage liquides en énergie verte. Le système est autonome, utilisant exclusivement des produits issus de la ferme, et le processus est hautement automatisé, nécessitant seulement environ 20 minutes de travail quotidien pour les éleveurs. Le lisier est pompé chaque jour vers le digesteur, où il est chauffé à 40°C pour créer un environnement mésophile idéal pour la production de biogaz. Ce biogaz est ensuite transformé en électricité et en chaleur. L’électricité générée peut être utilisée sur place ou vendue, tandis que la chaleur peut être récupérée pour chauffer les bâtiments de l’exploitation ou les logements de l’éleveur.
À qui s’adresse la micro-méthanisation ?
Les unités de micro-méthanisation sont spécialement conçues pour les éleveurs qui utilisent principalement du lisier comme substrat. Ces systèmes, opérant généralement en voie liquide, sont adaptés pour des exploitations de tailles variées, typiquement de 70 à 450 vaches laitières. Il est recommandé d’avoir au minimum 100 têtes pour garantir une alimentation suffisante du système et sécuriser l’approvisionnement en matières premières. Pour que l’installation fonctionne de manière optimale, plusieurs critères doivent être respectés :
- Qualité du lisier : Il est crucial que le lisier soit de bonne qualité et frais. Un système de raclage efficace doit acheminer le lisier vers une préfosse, où il sera stocké avant d’être traité.
- Gestion du pâturage : Il est nécessaire que les vaches passent une période significative en bâtiment. Cela garantit un approvisionnement régulier et contrôlé en lisier pour l’unité de méthanisation.
- Valorisation des cultures : Bien que principalement conçu pour le lisier, le système peut, sous certaines conditions, être adapté pour inclure des cultures dans le processus. Cette approche peut aider à atteindre la capacité de production maximale du moteur de cogénération, optimisant ainsi le rendement global de l’installation.
Ces installations s’adressent donc aux éleveurs recherchant une solution durable pour gérer les effluents d’élevage tout en produisant de l’énergie verte, contribuant ainsi à une exploitation agricole plus autonome et écologique.
Quelle rentabilité peut-on attendre de la micro-méthanisation ?
La micro-méthanisation offre une avenue additionnelle de valorisation des effluents d’élevage et complète le revenu de l’exploitation agricole, notamment grâce à la vente d’électricité sous un contrat de 20 ans avec EDF. Ce modèle financier repose principalement sur la revente de l’électricité produite et, dans une moindre mesure, sur les économies générées par la récupération de chaleur.
Il est important de noter que les chiffres de rentabilité ne prennent pas en compte les coûts associés aux infrastructures extérieures à l’installation proprement dite, comme le terrassement, les travaux de voirie et réseaux divers (VRD), les frais de raccordement ou encore les frais administratifs liés aux démarches bancaires. En général, le taux d’amortissement des projets de micro-méthanisation varie entre 10 % et 20 %, avec un retour sur investissement moyen estimé à 7-8 ans.
Chaque exploitation étant unique, il est crucial de réaliser une étude de faisabilité avant de lancer un projet. Cette étude permet de déterminer précisément le dimensionnement de l’unité de micro-méthanisation et d’estimer de façon plus exacte sa rentabilité potentielle.
Malgré les coûts initiaux, le système de micro-méthanisation, de par sa conception simplifiée, représente un investissement modéré et reste un projet rentable, contribuant à diversifier les sources de revenu des exploitants agricoles tout en valorisant les effluents de manière écologique.
Durée de vie de l’installation de micro-méthanisation ?
Les installations de micro-méthanisation sont généralement conçues pour une durée de vie de 20 ans, période qui correspond aussi à la durée des contrats de rachat d’électricité et des accords de maintenance. Cette durée de service assure une continuité dans l’exploitation et la rentabilité du projet.
Les moteurs, qui sont considérés comme des consommables dans ce type d’installation, doivent être remplacés tous les deux ans pour garantir le bon fonctionnement et l’efficacité de la production d’énergie. L’automatisation de l’alimentation du système de micro-méthanisation réduit considérablement le temps de travail nécessaire, s’élevant à environ 20 minutes par jour. Ce temps est principalement consacré à la surveillance et au maintien des opérations quotidiennes.
En plus de ces tâches quotidiennes, une maintenance préventive doit être effectuée régulièrement. Une visite approfondie de l’installation est requise chaque jour pour s’assurer de son bon fonctionnement et de sa sécurité. De plus, tous les 800 heures de fonctionnement, soit environ une fois par mois, une vidange des moteurs est nécessaire, ce qui représente environ 1h30 de travail supplémentaire.
Cette organisation permet de maintenir l’installation en bon état de marche et de maximiser son efficacité tout au long de sa durée de vie, contribuant ainsi à une gestion optimale des ressources de l’exploitation agricole.
Le digestat, un fertilisant écologique issu de la méthanisation
À l’issue du processus de méthanisation, le lisier est transformé en digestat, un sous-produit qui sert d’engrais vert très efficace. Le nitrate d’azote initialement présent dans le lisier est converti en azote ammoniacal lors de la méthanisation, ce qui le rend directement assimilable par les plantes. Cette transformation bénéfique facilite l’absorption rapide des nutriments par les cultures, améliorant ainsi leur croissance et leur santé.
En outre, le digestat bénéficie d’un processus de fermentation durant la méthanisation qui modifie les molécules responsables des odeurs. Cela signifie que, comparé au fumier traditionnel ou au lisier brut, le digestat émane beaucoup moins d’odeurs, réduisant ainsi les nuisances olfactives pour les communautés environnantes et les travailleurs de l’exploitation.
Il est important de noter que si l’exploitation agricole ne dispose pas d’une capacité de stockage adéquate pour le digestat, des mesures doivent être prises pour augmenter cette capacité. Un stockage approprié est crucial pour gérer efficacement le digestat et en maximiser l’utilisation en tant qu’engrais, tout en respectant les réglementations environnementales.
Deux exemples de micro-méthanisation illustrent bien l’adaptabilité et les avantages de cette technologie dans le secteur agricole :
- Installation Biolectric du Gaec Sweertvaegher – Merlant à Grand Fayt, Nord (59) : Ce Gaec valorise le lisier de 330 vaches laitières produisant du fromage Maroilles, sous appellation d’origine contrôlée. L’installation fonctionne exclusivement avec du lisier. Pour s’adapter aux exigences de l’appellation qui nécessite de longues périodes de pâturage, et donc une production d’effluents réduite en été, l’exploitation a installé deux moteurs de cogénération de 22 kWe chacun, offrant une puissance totale de 44 kWe. En été, un seul moteur est en fonctionnement pour ajuster la production à la quantité de lisier disponible. Le temps de séjour dans le digesteur est de 29 jours avec un processus mésophile. L’investissement total s’élève à 272,000 €.
- Installation Nénufar de l’Earl Multiporcs de l’Aire à Beausite, Meuse (55) : Ce système innovant utilise une couverture étanche posée sur une fosse de stockage de lisier pour produire du biogaz, sans nécessiter de chauffage (méthanisation psychrophile). Cette méthode est adaptable à tous les diamètres de fosses et est particulièrement efficace en été, lorsque la production de biogaz est naturellement plus élevée. L’exploitant a choisi de valoriser le biogaz généré avec une chaudière biénergie (biogaz/propane) pour le chauffage des bâtiments d’élevage. Bien que Nénufar propose également des systèmes en cogénération, l’Earl Multiporcs a opté pour cette solution simple. Le coût de l’installation s’élève à 105,000 €, avec la possibilité de subventions, et permet une économie de 50 % sur la consommation d’énergie de l’exploitation.
Ces deux installations démontrent comment la micro-méthanisation peut être adaptée aux spécificités de chaque exploitation agricole, offrant une source d’énergie renouvelable tout en réduisant les coûts opérationnels. Pour les agriculteurs intéressés par cette technologie, une approche pluridisciplinaire et l’accompagnement par des organismes tels que la Chambre d’agriculture sont recommandés pour optimiser le design et la mise en œuvre du projet.